mercredi 9 mars 2011

Port du foulard en sortie scolaire


Le ministre de l'Education nationale juge « légitime » et « justifié » de refuser qu'une mère voilée accompagne une sortie scolaire. Luc Chatel s'engage ainsi dans une nouvelle voie car jusqu'alors rien n'a permis, juridiquement, de suivre ce raisonnement. Un nouvel élément dans le débat sur la laïcité.

Luc Chatel a tranché : une directrice d'école a parfaitement le droit d'interdire à une mère en foulard d'accompagner des élèves. Le ministre de l'Education nationale a ainsi répondu, mercredi 2 mars, à la FCPE. Le syndicat de parents d'élèves s'était indigné, en février, qu'une directrice d'école de Seine-Saint-Denis ait refusé à une mère d'élève voilée d'accompagner une sortie scolaire. La FCPE, tout en rappelant son attachement à la laïcité, estime qu'il n'y a pas de fondement juridique à une telle exclusion (1).
Mais pour le ministre, qui l'explique dans une lettre au syndicat (publiée ici par Le Monde), la décision de la directrice est « aussi légitime que justifiée ». Les parents qui se proposent comme accompagnateurs peuvent être considérés comme « collaborateurs occasionnels et bénévoles du service public », et à ce titre doivent se plier au principe de neutralité et de laïcité.

Collaborateurs ou agents ?
Cette position de Luc Chatel marque un changement d'approche radical sur cette question. Car tout est question d'interprétation. Celle d'une circulaire du 18 mai 2004 sur le port des signes religieux dans les établissements scolaire. Elle interdit aux élèves, ainsi qu'aux agents du service public, « le port de tout signe d’appartenance religieuse, même discret. » Et s'applique à toutes les activités dans et en dehors de l'établissement, y compris, donc, les sorties scolaires. Mais le texte stipule dans le même temps que « la loi ne concerne pas les parents d'élèves ». Lorsque des parents accompagnent bénévolement une sortie, officiellement désignés comme « collaborateurs occasionnels », peuvent-ils être considérés comme des « agents », et non plus comme de simples parents ? Pour le ministre, la réponse est oui : ce sont des « personnels occasionnels ».
Jeannette Bougrab, le 3 mars sur RTL, est allée dans le sens de son ministre de tutelle. La secrétaire d'Etat à la jeunesse et à la vie associative affirmait que le Conseil d'Etat, dont elle est membre, « a eu l'occasion de se prononcer » sur la question de l'obligation de laïcité pour les parents accompagnant des sorties scolaires, et jugé que ces parents « ont les mêmes obligations que les fonctionnaires ». Etrange déclaration : le Conseil d'Etat n'a jamais rendu de jurisprudence sur la question. Ce mensonge est sans doute révélateur de la position délicate du ministre. Car, jusqu'à présent, les interprétations de la circulaire du 18 mai 2004 ne donnaient pas matière à interdire le port de signes religieux aux parents accompagnants.

Jurisprudence et équilibrisme
La Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations), interpellée en 2007 - avant que Jeannette Bougrab la préside brièvement - par des mères voilées exclues de même, rappelait dans une délibération que « ni le principe de laïcité, ni celui de neutralité du service public ne s’opposent a priori à ce que des mères d’élèves portant le foulard collaborent, en leur qualité de parents, au service public de l’enseignement dans le cadre d’activités éducatives et de sorties scolaires ». Une position suivie alors par le prédécesseur de Luc Chatel, Xavier Darcos.
Le Haut Conseil à l'Intégration donnait également son avis en août dernier, pour préconiser l'adoption de mesures législatives afin de « faire respecter le principe de laïcité à tous les collaborateurs occasionnels du service public ». Reconnaissant ainsi, en creux, que ce principe n'a pas légalement à s'appliquer pour le moment. Et reconnaissant aussi les limites de la loi.
Au regard du droit, la position de Luc Chatel, qui dit vouloir fixer une « règle claire », apparaît donc comme un numéro d'équilibriste. A moins qu'elle soit un signe supplémentaire que la législation est appelée à évoluer, à l'heure où un nouveau, et controversé, débat sur la laïcité est engagé par l'UMP. Le ministère, interrogé sur ce point par l'AFP, n'a pas précisé s'il entendait modifier la circulaire du 18 mai 2004.
La Halde, de son côté, est à nouveau en train d'étudier la question du port du voile et les « zones grises » de la loi. Signe que le sujet est complexe, elle vient de reporter sa délibération, d'abord annoncée pour le 28 février, au 21 mars.

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